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Démesure et pérégrinations
22 juillet 2012

Les notions de public en sciences sociales

Comment définiriez-vous un « public » ?

 

Nous voudrions préciser, afin de cadrer un peu les possibilités de définitions qui suivront, que nous prendrons le terme de « public » en tant que nom masculin, et non en tant qu’adjectif, ce qui exclura notamment l’étude de l’espace public en tant que tel ou du vocabulaire juridique concernant le droit public.

Le terme « public » trouve son origine dans le latin « publicum », forme contractée et dérivée de « populicus », qui lui-même vient de « populus » (peuple) et de « pubes » (désignant la population mâle pubère). Etymologiquement, le nom public signifie donc « du peuple ».

De nos jours, le mot public renvoie à diverses réalités sociales, il prend plusieurs significations selon son contexte d’énonciation. Ainsi, il est souvent donné en synonyme de lectorat, d’audience, d’auditoire, d’usagers, de spectateurs… Le terme « public » peut également se référer au fait de faire partie d’un ensemble d’usagers d’un service (transports, commerces, organisations). On peut dire aussi que le corps électoral constitue un public, puisque certains proposent des sondages d’ « opinion publique ».

Le point commun de ces diverses définitions est qu’elles renvoient toutes à un collectif social, abstrait ou réel, un ensemble d’individus fondé apparemment par un intérêt, une action qu’ils ont en commun. En plus de cette chose en commun, le public est défini en tant que récepteur ou usager, donc toujours défini par rapport à un pôle émetteur qui crée et propose.

 

On se demande quelles sont les choses que les membres d’un public ont réellement en commun. En effet, les individus réceptionnant ou usant la même production émettrice ont-ils en commun, et de la même manière, l’intérêt porté à cette production ? La même attitude et les mêmes pratiques  face à cette production ? Ou encore, est-ce que ce public réunit des individus ayant les mêmes conditions sociales ? Le même capital économique, culturel ou symbolique ?

On pose donc la question de l’homogénéité du public. Contrairement à ce que le sens commun puisse nous faire penser de prime abord, un public est hétérogène malgré son action commune. De plus, il semble ne constituer un collectif social réel et communautarisé que dans certains cas précis.

 

Pourtant aujourd’hui, on parle souvent de « grand public », en référence au public auquel est destinée la culture « de masse », c’est-à-dire les productions de l’industrie culturelle.

Adorno et Horkheimer utilisent pour la première l’expression « industrie culturelle » dans leur ouvrage Dialectique de la raison. Ils montrent que le domaine des productions culturelles est soumis à une industrialisation et poursuit des buts de commercialisation. Les auteurs de l’Ecole critique de Francfort dénoncent ce processus d’industrialisation culturelle, déterminé idéologiquement, qui s’adapte aux publics, aux masses, uniquement pour « affermir et corroborer leur attitude qu’elle prend a priori pour une donnée immuable », et qui leur impose des schémas de comportement. (cf. Adorno, article « L’Industrie culturelle », 1er§). Les critères de constitution d’un public sont ici déterminés extérieurement à l’ensemble de personnes qui est considéré comme tel. Les différents publics sont alors constitués en cibles marketing homogénéisées et standardisées.

 

Définir un public n’est pas une chose aisée vue la diversité de sens attribués à ce terme, ainsi que la pluralité des réalités et abstractions auxquels il renvoie. Nous verrons que ces difficultés se retrouvent lorsqu’il s’agit d’étudier un public. De plus, on peut considérer, depuis la montée de la valeur d’image des marques (qui supplante sa valeur d’usage) dans les années 80, que la définition d’un public lui est surtout extérieure et prédéterminée.

 

 

Comment peut-on connaître un public ?

 

 Plusieurs méthodes ont été conceptualisées dans le but de pouvoir « connaître un public ». Nous allons revoir tout d’abord les enjeux et objectifs d’une étude des publics, avant d’évoquer les principales difficultés auxquels un chercheur peut faire face lors d’une étude d’un public. Nous donnerons un aperçu de quelques méthodes d’études.

L’étude d’un public a pour objectif d’apprendre à le connaître, afin le plus souvent d’engager des modifications de l’offre, en vue d’optimiser l’impact sur ce public (dans le cas des publics soumis à la loi du marketing offre/demande), ou encore de comprendre comment ce public fait usage et quelle est son attitude face aux productions émettrices.

Vu la diversité des individus, des attitudes, des usages et des pratiques réunis sous ce terme de public, le chercheur sera confronté à plusieurs difficultés. Il s’agit en effet d’étudier un collectif social, souvent abstrait dans le sens que les individus y sont réunis plus souvent symboliquement que physiquement. Il ne faut pas tomber dans les écueils ouverts par la sociologie des publics, c’est-à-dire considérer les individus en tant qu’agent social, agissant à l’intérieur d’un champ de relations de pouvoir (et non uniquement en tant que récepteur/public).

 

Selon la nature des données que nous voulons récolter et analyser, on peut envisager de faire une enquête quantitative, qui répondra aux questions de « qui ? » et « combien ?», et/ou une enquête qualitative, qui devra répondre à « pourquoi ? » et/ou une observation ethnographique (question « comment ? »).

Les enquêtes quantitatives sont utiles pour connaître, en chiffres et en quelques grandes questions, qui fréquente le lieu ou qui fait acte d’accès au statut de membre du public, ainsi que pour permettre de donner un aperçu des attentes et satisfactions. Cependant, les enquêtes quantitatives telles que le sondage répondent aux lois des grands nombres et la représentativité d’un échantillon est toujours délicate à construire et à interpréter comme telle. De plus, face à certaines problématiques, certains individus interrogés se réservent le droit de non-réponse, ce qui rend le résultat difficile à calculer avec justesse.

Les enquêtes qualitatives nous donnent un meilleur aperçu de la subjectivité des individus constitués en public, comment et pourquoi ils construisent leur pratique, quelle est leur attitude face à une production. Cependant, il faut garder à l’esprit que parfois, les individus risquent de faire ressortir les représentations sociales les plus acceptées et non les leurs, notamment dans le cas des publics où l’individu a du mal à se concevoir comme tel (par exemple, il fait acte d’achat sans vouloir s’identifier comme membre du public). Dans le cas des entretiens, l’analyse du discours a une place importante.

L’observation ethnographique nous aidera à observer les comportements du public. Cette observation ne peut se faire uniquement où le public est observable, c’est-à-dire où il est physiquement réunis et constitué. C’est le cas de l’usage des lieux de concerts, de culture, etc. On se demande si le public des médias, notamment d’internet, est réellement observable dans ses pratiques et comportements. La création de communauté réelle autour d’une pratique culturelle (exemple : les groupes de jeunes se réunissant autour de quelques marques (musiques, vêtements) et s’identifiant à eux) sera observable et permettra de mettre en lumière certains comportements face aux produits.

 

 

De quelles structures ou quels évènements êtes-vous « public » ? Comment définiriez-vous ces publics dont vous faites partie (au moins un public) ?

 

Nous pouvons tout d’abord reformuler la question : Comment se concevoir comme étant membre du public ? Quelle sont les étapes qui donne le statut de membre du public ?

Le statut de membre d’un public s’acquiert par les actes: la visite d’un musée ou l’usage d’une bibliothèque municipale vous rend membre du public d’un musée. Ici, cette étape d’accès au statut de membre de public est réelle, et engage physiquement l’individu (les individus). D’autres types d’étapes sont d’ordre symbolique, qui engage l’individu moins physiquement, ce qui rend la définition concrète du public plus difficile à élaborer puisqu’on n’est plus sûr de la corrélation entre le statut de membre du membre et les pratiques réelles.

Le statut membre d’un « public » constitue peu à peu un collectif. Selon les théoriciens de l’Ecole de Francfort, le statut de membre d’un public des individus, ceux-ci étant constamment interpellés par des instances médiatiques, administratives et commerciales, peut devenir une « nature », où l’individu se reconnait et finit par s’interpeller lui-même en tant que public (ici, synonyme de membre d’une communauté fictive, usager ou de consommateur).

 

Personnellement, il m’est difficile de me concevoir comme membre symbolique d’un public. Cependant je fais acte d’achat pour certaines productions culturelles, je fais donc partie de certains publics. Mais je refuse de me définir comme tel puisqu’avant d’être membre symbolique de public consommateur, je reste un individu réel et ne préfère pas décrire en mon nom les pratiques/usages d’un tel public en tant que collectif.

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